vendredi 4 octobre 2013

Entrevue avec le Dr Pierre Grammond



Le Dr Pierre Grammond est neurologue et directeur de la clinique de SP du Centre de réadaptation en déficience physique Chaudière-Appalaches (Charny). Il a le feu sacré pour sa pratique et est passionné de recherche, il en avait donc long à dire sur son passage à Copenhague.

Qu'est-ce qui a retenu votre attention au congrès?

J'ai assisté à une conférence sur la stimulation magnétique transcranienne. On y a présenté les résultats d'une petite étude (28 participants incluant le groupe témoin). Les participants ont reçu des traitements de stimulation magnétique à l'aide d'un casque posé sur leur tête quelques fois par semaine pendant quelques semaines. On a remarqué que ce traitement diminuait la fatigue et la dépression. L'étude s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle en stimulant le cerveau, celui-ci a moins besoin de s'activer pour en arriver au même résultat. Ce qui expliquerait pourquoi les participants ont ressenti moins de fatigue. Les effets secondaires n'ont pas été très importants et ont été passagers et consistaient surtout en des maux de tête et des engourdissements.

Qu'avez-vous appris sur les formes progressives de SP?

Je crois que nous avançons dans la connaissance des mécanismes de la maladie qui ne sont pas tout à fait les mêmes dans les formes progressives et dans la forme cyclique. Approfondir cette connaissance nous amènera à d'autres possibilités de traitements. Les traitements actuels ont pour cible l'inflammation; des traitements qui favoriseront la remyélinisation et la protection des axones (neuroprotection) pourraient être développés. 

J'attends avec impatience les résultats des études sur le natalizumab (Tysabri) et le fingolimod (Gilenya) dans les formes progressives de SP, mais nous devrons attendre 2-3 ans. L'avantage est que ces traitements sont déjà disponibles, nous les connaissons déjà.

J'ai aussi assisté à une conférence sur un essai clinique sur la cyclophosphamide qui est une forme de chimiothérapie. Les 140 participants avaient une forme progressive secondaire de SP et certains ont reçu le traitement alors que d'autres prenaient uniquement de la cortisone (groupe témoin). On a donné la cyclophosphamide une fois par mois pendant un an et une fois tous les deux mois pendant l'année suivante. Résultats : les participants qui ont reçu la cyclophosphamide ont eu une augmentation moins marquée de leur score EDSS. L'échelle EDSS est l'outil de cotation clinique (1 à 10) utilisé par les neurologues pour mesurer la progression de la SP. La cote 1 correspond à un examen neurologique normal et la cote 6.5 correspond à l'utilisation d'une aide bilatérale pour marcher 20 mètres (cannes, béquilles).

Cette étude préliminaire est intéressante mais l'utilisation de la cyclophosphamide comporte des risques notamment de cancer.

Vous faites partie d'une équipe chercheurs ayant fait une présentation. Pouvez-vous nous parler du sujet de cette présentation?

Les présentations étaient toutes les deux sur MS BASE. Il s'agit d'une base de données utilisée dans 200 cliniques dans le monde et qui a été mise sur pieds par des neurologues australiens. La clinique de SP du CHUM (Dr Duquette), la clinique Neuro Rive-Sud (Dr Grand'Maison) ainsi que celle de Charny sont parties prenantes de ce projet en branle depuis 2004. MS BASE contient de l'information sur plus de 23 000 personnes ayant la SP : nombre de lésions, âge, sexe, premier score EDSS, etc. C'est un outil précieux qui nous permet de faire de vastes études observationnelles. Ce type d'étude a ses limites, par contre, il comporte de nombreux avantages : l'accès à un nombre élevé de participants et l'obtention de données à long terme. Ce sont des données tirées de la "vraie vie", du médecin et de son patient.

L'équipe a présenté deux études observationnelles réalisées à l'aide de MS BASE. La première nous a permis d'établir que les personnes ayant un premier épisode évocateur de la SP (syndrome clinique isolé ou SCI) ont moins de risque de voir leur maladie évoluer dans l'année qui suit le premier épisode si elles sont jeunes. Le risque d'évolution dans l'année suivant le premier épisode serait 15 % plus élevé par tranche de 10 ans. La deuxième observation était aussi en lien avec le pronostic. On a remarqué que les personnes qui ont un SCI et une atteinte pyramidale (principalement de la faiblesse) ont plus de risque de voir leur maladie évoluer.

Ces observations sont précieuses car elles peuvent contribuer à établir un algorithme de traitement. Ces données appuient le consensus actuel sur le traitement précoce de la SP.

Merci Dr Grammond, votre passion est contagieuse!

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