jeudi 12 décembre 2013

Entrevue avec Nathalie Arbour

Nathalie Arbour est professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal (Centre de recherche du CHUM). Comme elle a animé le premier bloc de conférences, je lui ai demandé de m’expliquer quelques concepts qui ont été abordés.

N.P.: Pouvez-vous nous expliquer les interactions entre le système nerveux central et le système immunitaire en présence de la sclérose en plaques? En quoi les deux systèmes sont-ils interreliés?

N.A.: Le système nerveux central est patrouillé par le système immunitaire pour s’assurer de le débarrasser des pathogènes potentiels qui seraient présents. Il y a habituellement peu d’interactions entre les deux systèmes, car il y a peu d’infections qui se rendent dans le système nerveux central (cerveau et moelle épinière). On a démontré que la présence de nouvelles lésions de SP est souvent accompagnée de cellules du système immunitaire qui ont pénétré dans le système nerveux central en voyageant par les vaisseaux sanguins. Ces cellules pénètrent le plus souvent dans le cerveau mais parfois aussi dans la moelle épinière. On pense que le système immunitaire participe à la destruction des tissus et qu’à mesure que les cellules immunitaires entrent, il y a plus de dommage. De plus, les cellules restent présentes par la suite et elles appellent encore plus de cellules immunes à venir sur le site et à continuer la destruction. C’est pour cela que certains traitements qui ciblent des cellules immunes ont été développés. Dans certains cas, ils sont très efficaces contre la forme cyclique car ils empêchent une partie des cellules immunes d’entrer dans le cerveau et la moelle épinière et de causer de nouvelles lésions.

N.P.: La science nous amène à nous questionner constamment sur nos connaissances. Croyez-vous qu’il y ait unanimité dans la communauté scientifique sur la caractéristique autoimmune de la sclérose en plaques?

N.A.: C’est clair pour la communauté scientifique que la forme cyclique de la SP est une maladie autoimmune parce que les traitements immunommoduleurs ont un impact positif sur la maladie. On se demande toutefois si la SP est une maladie autoimmune d’emblée ou si c’est lorsque la maladie progresse qu’elle devient autoimmune. Malheureusement, nous n’avons pas accès à des échantillons de cerveaux de personnes qui sont en début de maladie, on ne peut donc pas étudier de façon précise ce qui a initié la maladie.

Les modèles animaux suggèrent que le rôle du système immunitaire est très important dès le début, mais le modèle animal ne reproduit pas la SP de façon parfaite. Certaines études montrent aussi que s’il y a un défaut dans notre gaine de myéline, ça peut aussi induire des réponses qui vont mener à une maladie qui ressemble beaucoup à la SP. On ne connait pas encore précisément l’étincelle qui allume la mèche. Les recherches pédiatriques sont aussi très intéressantes car le moment où la maladie se déclare chez les enfants et le temps où ils ont été exposés à des facteurs environnementaux est plus court que chez l’adulte. L’équipe canadienne qui travaille dans ce domaine a permis de nous faire avancer dans la compréhension de la SP. Chez les enfants, la prévalence est la même chez les garçons que chez les filles alors qu’à l’adolescence, il y a plus de filles que de garçons, tout comme chez les adultes. Nous avons encore à en apprendre sur le rôle des hormones dans la SP.

N.P.: Croyez-vous que les mécanismes de la SP de forme cyclique soient semblables à ceux des formes progressives?

N.A.: On ne comprend pas pourquoi une partie des personnes ayant la forme cyclique vont évoluer vers une forme progressive secondaire. Il est clair qu’il y a moins d’inflammation dans les formes progressives de SP. À l’aide d’un agent de contraste (le gadolinium) utilisé lors des examens par imagerie par résonance magnétique, on peut identifier les lésions apparues récemment. On remarque que dans les formes progressives, il y a moins de nouvelles lésions, donc moins d’inflammation. On sait maintenant que la capacité de réparation est différente dépendamment de la localisation des lésions. Les lésions dans la matière grise se réparent mieux que celles situées dans la matière blanche et on ne comprend pas pourquoi.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire